
Simon Amor (USA) : « À 7, l’expérience fait tout »

Pour moi, parler avec Simon Amor, c’est échanger avec un vieux copain. On a travaillé ensemble sous les couleurs de l’Angleterre et de la Grande-Bretagne avant de collaborer sur le projet américain. Je le connais mieux que quiconque.
Depuis 2013 et son arrivée sur le banc de l’équipe d’Angleterre de rugby à 7, nous avons vécu de folles histoires. Mais rassurez-vous, le but de notre échange n’était pas de se souvenir du passé.
Quand il a pris les rennes du programme USA Rugby Sevens, rien n’était simple. Il n’avait même pas le droit de travailler officiellement sur le projet lors des premiers mois. « Je voulais surtout tâter le terrain. »
Il a donc supervisé les choses « pendant plusieurs semaines. »
À son arrivée, le projet était en reconstruction et en redéfinition. « J’ai de suite été frappé par la diversité de ce groupe. Tout le monde venait de milieux différents. »
En effet, il avait réuni les joueurs pour qu’ils parlent tous de leur parcours, puis il s’est prêté à l’exercice à son tour afin de se montrer sous son vrai jour.
Il a mis en place cette habitude afin de bâtir une vraie culture collective : « La diversité, c’est ce qui fait la force de cette équipe, mais aussi son plus gros défi. »
En rugby à 7, la cohésion fait tout et Amor le sait. « Les meilleurs sélections du monde ont pour point commun qu’elles s’appuient sur des groupes soudés. On voit l’impact que ça a sur les performances. La culture de groupe amène la performance. »
Il a hérité d’une équipe jeune, inexpérimentée et dépourvue de certains de ses anciens leaders. Pour autant, il ne repartait pas de zéro. Il s’agissait juste de reconstruire le projet, même si les défis, c’est ce qui le motive.
Dès le début, il a mis en place « un plan pour vite gagner en expérience » dont l’une des clés résidait dans le fait d’avoir plusieurs capitaines.
« Je voulais accélérer la prise de leadership et les habitudes de travail collectif. Je voulais que les joueurs voient les choses sous un autre angle. Cela n’a pas été facile mais le but, c’est la progression sur le long terme. »
Il a également décidé de se mettre au même niveau que les joueurs. « Ils ne m’appellent pas ‘coach’ car aux États-Unis, ça crée une notion de supériorité hiérarchique. Je veux être à leurs côtés, pas au-dessus d’eux. »
Les résultats n’ont pas été immédiats et les Américains abordent cette dernière étape du HSBC SVNS à la 12e place du classement.
Pour autant, si on se penche sur leur saison, on comprend que les choses auraient pu prendre une autre tournure. Ils ont notamment perdu deux tiers de leurs matchs par sept points d’écart ou moins. À Perth, ils ont affiché une différence de points moyenne de cinq. À Vancouver, ce n’était qu’un point. Les débats ont été serrés tout au long de la saison.
« On n’était pas loin, mais on voit plus loin. Tout le monde veut gagner. Des joueurs aux fans en passant par les familles : aux États-Unis, ils ont la culture de la gagne. »
Amor épouse une posture plus philosophique et réaliste : « À 7, l’expérience fait tout. »
Il n’a pas tort. Certaines équipes, comme l’Argentine et l’Espagne, jouent ensemble depuis bien plus longtemps que les Américains.
Malgré des résultats encore décevants, on a pu constater des progrès au sein des rangs américains. Lors du dernier match à Singapour, ils ont notamment battu la France en prolongation. « On n’avait plus que neuf joueurs à cause des blessures. Tous nous jeunes étaient sur le terrain.
« Ils ont réussi à performer malgré la pression, la frustration et la déception. Ce genre de choses redonne de l’espoir et prouve qu’on bosse dans la bonne direction. »
Dans quelques jours, les États-Unis vont disputer une étape à la maison, chose que Simon, lui-même proche de sa famille, apprécie car les joueurs bénéficieront du soutien de leurs proches à LA.
« Les joueurs ont envie de briller devant leur famille et leurs amis. Le rugby est encore assez anonyme ici. Ces moments comptent. »
Et puis il y a des Jeux Olympiques à préparer en vue de 2028. J’ai vu à Rio 2016 tout l’amour qu’Amor porte aux JO et je sais que cet objectif l’a motivé à accepter ce poste. « Si les hommes et les femmes parviennent à prendre une médaille à domicile, ça peut tout changer, tant à l’échelle nationale et internationale. C’est motivant. »
Il sait qu’il n’a pas fait le choix de la facilité, mais dans un sport où l’abnégation et la détermination font la différence, il voit plus loin que les simples performances.