Missions et fun d’un talonneur en rugby à sept

Dans le rugby à sept moderne, un talonneur doit être capable de tout faire. Henry Hutchison et Jamie Barden expliquent à Luke Norman pourquoi le poste le plus « épuisant » est aussi le plus « amusant ».

Par Luke Norman

Le talonneur australien Henry Hutchison, double champion olympique, sait exactement quand il a fait un bon match.

« Si je n'ai pas l'impression d'avoir été percuté par un train, c'est que je n'ai pas vraiment fait mon travail », rigole Hutchison. « Mon rôle est de travailler, de me battre pour l'équipe et de faire ce qu'il faut. »

Selon l'Australien, qui a joué à l'aile pendant ses deux premières saisons en tant qu'international, c'est dans le travail que se trouve la gloire.

« Alors qu'un ailier doit être très rapide, qu'un porteur doit avoir une bonne vision du jeu et que les piliers doivent bien tenir le ballon, le talonneur doit en quelque sorte tout faire très bien. À un niveau d'environ 90 pour cent », explique-t-il.

« Vous devez être multi-tâches. Vous devez être fort au contact parce que vous êtes coincé au milieu du terrain. Vous finissez par plonger dans beaucoup de rucks. Vous vous retrouvez à faire beaucoup de plaquages à deux. Il faut couvrir les joueurs. Il faut conserver le ballon. »

Oublier ce que l’on sait des talonneurs

En substance, les amateurs de rugby à XV peuvent oublier ce qu'ils savent des talonneurs.

« La dénomination est presque inutile », reconnaît Hutchison. « Vous vous retrouvez au poste de demi de mêlée, vous vous retrouvez au poste de 10 et si vous êtes paresseux, vous pouvez aussi vous retrouver à l'aile. »

Il n'est pas étonnant que Hutchison et le Britannique Jamie Barden aient parfois des allures de bête de somme. Pour ce dernier qui, à 24 ans, a déjà été capitaine de l'Angleterre, il s'agit du défi ultime.

« Vous devez être en quelque sorte le trait d’union », ajoute Barden, avec délectation. « Vous n'êtes pas le meneur de jeu comme un neuf ou un dix et vous n'êtes pas un avant, pas comme vos piliers ou vos ailiers. Vous jouez le rôle de trait d'union, en accomplissant un travail considérable en attaque comme en défense. »

Les deux joueurs, qui espèrent tous deux être à Madrid pour le point culminant des HSBC SVNS 2024 Series, s'accordent à dire que la pression est incessante. Si toutes les équipes de haut niveau souhaitent disposer d'un ailier capable de faire basculer un match, elles doivent aussi pouvoir compter absolument sur un talonneur de qualité.

« Vous avez des joueurs capables de faire une performance 10/10, mais parfois leur performance suivante est plutôt de 4/10. Mais vous avez dans votre équipe ces joueurs qui doivent être au top de leur forme à chaque fois que vous avez besoin d'eux, car ça peut ouvrir le jeu », explique Hutchison.

« Je me dis que si je peux fournir un 8/10 pendant six matchs le week-end et occasionnellement un 10 ou un 9/10, alors j’ai fait le job. »

Le renouveau de la mêlée

Si le physique des deux joueurs - Barden mesure 1,82 m pour 86 kg et Hutchison pointe à 1,75 m pour 86 kg - confirme l'affirmation de l'Australien selon laquelle « on peut oublier le grand gaillard qui lance le ballon dans la touche et qui est grand en mêlée », Barden a constaté que ses missions ont été élargies ces dernières années.

« Quand j'ai commencé en 2018, le terme utilisé (pour la mêlée) était GA - Gentleman's Agreement. Vous arriviez tous, vous vous mettiez en position et personne ne cherchait vraiment à essayer de rivaliser », se souvient Barden.

« Puis, au cours des deux ou trois dernières années, comme la mêlée est devenue une telle phase offensive pour beaucoup d'équipes, les équipes essaient maintenant de perturber cette plateforme.

« Les mêlées sont donc devenues très techniques et constituent un aspect important du match. »

Barden cite le trio de première ligne néo-zélandais composé de Scott Curry (1,94 m et 96 kg), Sam Dickson (1,93 m et 104 kg) et Tone Ng Shiu (1,89 m et 98 kg) comme exemple de ce qui se fait de mieux.

Avec les demis de mêlée qui assurent le lancement en touche, le rôle d'un talonneur dans les autres aspects du rugby à sept est moins statique. Mais il n'a pas le temps de souffler, le numéro deux étant normalement celui qui porte devant et/ou qui reçoit le ballon du sauteur.

Le plus en forme / le plus amusant

Pour faire face à tout cela et jouer 14 minutes – « un pré-requis », selon Barden et Hutchison - il n'est pas étonnant que l'Australien insiste sur le fait qu'un talonneur « doit être le plus en forme de l'équipe ».

Tout juste remis d'une blessure au ligament croisé antérieur qui l'a laissé sur la touche pendant 12 mois, Hutchison cherche à canaliser le Kwagga Smith qui sommeille en lui - le double vainqueur de la Coupe du Monde de Rugby et ancien joueur de rugby à sept est « le meilleur talonneur de rugby à sept » qu’Hutchison n’ait jamais affronté - jusqu'à ses troisièmes Jeux olympiques à Paris.

Barden, qui manquera l'étape de Singapour de ce week-end car il se remet d'une commotion cérébrale, espère bien le rejoindre là-bas.

Une chose est sûre, aucun des deux ne voudra jamais jouer à un autre poste. « C'est exigeant, c'est éreintant, mais c'est aussi le plus amusant, assure Hutchison.

Ne manquez pas le sacre des champions du HSBC SVNS à Madrid, du 31 mai au 2 juin. Les billets sont en vente à partir de 10 euros.