Alev Kelter : comment elle a retrouvé le plaisir de jouer avec les USA

La Women's Sevens Eagle avait failli faire partie de l'équipe américaine de hockey sur glace aux Jeux olympiques d'hiver de Sotchi il y a dix ans. Mais aujourd'hui, Alev Kelter revient différente avec le Sevens comme elle l’explique à Claire Thomas.

Par Claire Thomas

Alev Kelter est une telle bulle de positivité et de chaleur qu'il est étonnant de voir cette athlète aux multiples talents se replonger dans la situation où elle se trouvait il y a dix ans, « dévastée » d'avoir manqué une place aux Jeux olympiques d'hiver de Sotchi au sein de l'équipe de hockey sur glace des États-Unis.

« Je m'étais concentrée sur mes statistiques », reconnaît-elle. « Je me concentrais sur la personne qui devait fournir le plus de data, plutôt que sur le plaisir de jouer ou sur le fait de devenir la meilleure version de moi-même.

« En fin de compte, ils ont choisi celles qui étaient les meilleures coéquipières, alors que je m'étais préoccupée des plus et des moins. J'ai fait une erreur et j'ai raté quelque chose. »

Aujourd'hui, à l'âge de 33 ans, cette jeune femme est profondément consciente de l'importance des aspects intangibles de la performance.

L'équipe d'Emilie Bydwell s’est qualifiées pour quatre des six demi-finales des HSBC SVNS 2024 Series et occupe la quatrième place du classement avec 82 points, alors qu'elle se prépare à jouer dans le National Stadium de Singapour.

Mais cette fois, Kelter ne se préoccupe pas des chiffres.

« Ce qui compte, c'est que nous soyons en train de poser les bases d'une campagne olympique exceptionnelle. Nous n'avions aucune attente à ce stade de la saison, en ce qui concerne le classement : ce qui compte, c'est que nos propres valeurs se reflètent dans notre jeu », dit-elle.

Des valeurs associées à l’athlétisme

Courage, résilience, amour, altruisme et éthique de travail. Ces valeurs, associées à l'athlétisme brut et à la force de personnalité des Women's Sevens Eagles, constituent un cocktail puissant - et irrésistible.

« N'est-ce pas là l’American style ? », interroge faussement Alev Kelter. « Toutes les couches de la société se rencontrent ici - et toutes les morphologies et tailles - ce qui est quelque chose que nous ne voulions pas perdre dans notre rugby.

« Ilona [Maher] insiste là-dessus tout le temps. L’ensemble du groupe veut se faire le champion de l'inclusivité en contribuant à la définition toujours progressive du rugby américain. »

Septième à Dubaï, quatrième au Cap, à nouveau quatrième à Perth et cinquième à Vancouver. Puis, à domicile, un tournant : un podium dans la Cité des Anges.

Les deux heures de trajet à Los Angeles ont aidé, tout comme le soutien inconditionnel – « c’est difficile de ne pas proposer un tel rugby devant des milliers de supporters extraordinaires » - mais ce n'était pas qu'une question de circonstances : Los Angeles a été un sommet bien préparé.

« Nous parlons toujours de la pression et nous l’intégrons dans notre environnement. Comme on dit, ça polit les diamants », dit-elle en riant.

Dans une année où être au rendez-vous est essentiel, pourquoi ne pas recréer l'intensité d'une finale de saison ou des Jeux olympiques lors de leur tournoi à domicile ?

Destination olympique

« Le chemin qui mène à Paris est comme un battement de cœur. Il n'est pas linéaire - il monte et descend - mais il reste constant et c'est ce à quoi nous voulons que notre campagne ressemble. Los Angeles, Madrid et les Jeux sont les trois points sur lesquels on se focalise - là où on met toutes nos forces », confie-t-elle.

Il y aura des étapes en cours de route où elles essaieront de nouvelles choses - deux pas en avant, trois pas en arrière – mais c’est pour le meilleur du groupe.

« La mentalité est la suivante : soit on est dans la course et on gagne, soit on n’y est pas. On a tout donné. On n’a pas toujours été à la hauteur, mais je suis très fière de la façon dont on a joué ensemble et on est reparties au travail avec les idées claires. »

Tandis que Maher était acceptée dans la Dream Team en Californie, une autre vedette émergeait au Dignity Health Sports Park : la maman de Kelter, qui brandissait le drapeau et jouait les pom-pom girls. Elle a bénéficié d'autant de temps d'antenne que n'importe qui d'autre et n'a apparemment jamais quitté les tribunes ou cessé de déborder de fierté pendant trois jours d'affilée.

Alev en rigole encore elle-même à l'évocation de ce souvenir. « C'est génial que vous ayez pu voir ça, parce qu'elle a toujours été une étoile dans ma vie. Elle est partie prenante de mon parcours en tant qu'athlète et en tant que personne. Elle est une véritable source d'inspiration. »

Leyla Kelter, « quelqu'un que tout le monde veut connaître », nous amène à une autre femme charismatique au cœur de ce staff : l'ancienne joueuse des Eagles, ancienne responsable de la haute performance, et aujourd'hui entraîneure en chef : Emilie Bydwell.

L'équipe Bydwell

« Absolument incroyable », c'est la réponse immédiate de Kelter. « Cette équipe utilise beaucoup l'imagerie de la construction, et ça fait dix ans qu'elle nivelle les fondations et pose minutieusement des briques et du mortier. Elle a porté tellement de casquettes dans ce programme et, maintenant qu'il est lancé, nous pouvons monter en flèche.

« Elle fait ce qu'elle aime : entraîner, diriger, former des esprits malléables et nous demander d'être de meilleurs humains tout en pensant au rugby d'une manière différente. »

Pour trouver le moment propice à cette discussion, Alev Kelter a dû consulter l'emploi du temps de l'équipe pour la journée, qui était une véritable œuvre d'art - méticuleusement codé en couleurs et truffé de détails. C'est ce qui se passe avec Bydwell à la tête de l'équipe.

« Elle est très calculatrice et organisée, mais aussi très sympa, ce qui lui a permis d’emmener très rapidement l'ensemble de l'équipe », assure Kelter.

« Notre profondeur se renforce, tout comme nos skills, notre capacité à élaborer des stratégies, notre polyvalence en attaque et notre défense. Emilie place la barre plus haut dans un domaine dominé par les hommes et la façon dont cette équipe étonne les gens. »

L'ultime récompense, bien sûr, serait un titre majeur - et ces rendez-vous avec le destin sont, soudainement, à portée de main.

Les Etats-Unis sont des demi-finalistes en série, et après leur podium à Los Angeles, elles ont décroché l'argent à Hongkong. Mais elles ne sont encore jamais montées sur un podium olympique et devront se battre comme des lionnes si elles veulent défendre leur médaille de bronze obtenue l'an dernier à Madrid.

Que faudra-t-il faire pour s'assurer qu’elles échangent leur statut de « prétendante » contre un titre de championne du monde ?

La réponse est simple. « Au plus haut niveau, l'équipe qui commet le moins d'erreurs et qui a le plus de possession gagne généralement. Nous voulons donc affiner nos techniques jusqu'à ce qu'elles atteignent un niveau de classe mondiale. »

Elles travaillent sans relâche pour atteindre les normes individuelles et collectives, stimulés par une responsabilité collective - elles se sont mises au défi de laisser l'héritage durable d'un gong olympique.

Dans le but de porter les niveaux de compétition à des niveaux jamais atteints, elles se sont, comme il se doit, inspirées d'Hollywood et se sont entraînées récemment façon « Fast and Furious ». « Ce qui est passionnant, c'est que lorsque nous réussissons, rien ne peut nous arrêter. »

L'épreuve de Singapour

Elles seront mises à l’essai dans le chaudron de Singapour, sans Maher, Naya Tapper ou Alex "Spiff" Sedrick, et savent qu’elles devront faire preuve de courage.

« Ça va mettre à l'épreuve tout ce que nous avons fait jusqu'à présent », admet Kelter, notamment leur cohésion et leur alchimie si précieuses. « Une grande partie de l'identité de cette équipe est d'être capable de regarder à gauche et à droite et de dire 'Je te fais confiance, on y va’. »

Alev Kelter a accumulé beaucoup d'expérience au cours des dix années qui se sont écoulées depuis son échec à Sotchi. Deux Jeux olympiques, des campagnes de Coupe du monde dans les deux formats du rugby, la conquête du premier titre de Premier Sevens par les Loonies, un rôle crucial dans le titre de Premiership anglais des Saracens en 2022, et près de 1 000 points sur le circuit au cours de plus de 200 matchs.

On se demande ce qui figure maintenant en tête de ce qui doit être une liste assez courte de choses à faire...

« Vous savez quoi ? Eh bien je n'y ai même pas pensé. Je suis tellement concentrée sur le fait de profiter de ce temps avec cette équipe », affirme-t-elle.

« La culture a changé au cours de ce cycle, et nous avons toutes adhéré les unes aux autres, ce qui est vraiment particulier. Je vais probablement réévaluer ça à un moment donné, mais je vais savourer ces Jeux olympiques avant de me permettre de me demander quelle est la prochaine étape. »

Une brève pause, puis le même sourire : « J'espère qu'à ce moment-là, nous aurons gagné une médaille d'or ».